Saviez-vous que certains mécanismes inconscients influençaient grandement votre façon d’investir ? Retour sur les principaux biais cognitifs et comment en sortir.
Cette année, la docteure Hava Orkut, de l’EM Strasbourg, a remporté le prix national de la meilleure thèse en finance de marché remis par l’Association française de la finance. Elle a été récompensée pour son travail sur le comportement des investisseurs individuels sur les marchés. Une bonne occasion d’aborder un sujet crucial pour bien investir : les biais cognitifs.
La thèse d’Hava Orkut est particulièrement intéressante pour étudier ces biais. En effet, elle est l’une des premières à étudier les résultats des questionnaires administrés aux investisseurs dans le cadre de la nouvelle réglementation Mifid 2. Cette réglementation oblige les établissements bancaires à mieux cerner le profil de risque et le niveau de connaissances financières de leurs clients. La thèse se base sur un échantillon de 98 000 clients, ce qui est très significatif et permet d’illustrer plusieurs biais… Ainsi que de battre en brèche quelques préjugés.
Investir chez soi, un réflexe même chez les investisseurs sophistiqués
L’un des biais cognitifs observés par la docteure est le biais de familiarité, considéré comme une explication du biais national. Il s’agit d’une tendance à faire confiance à ce qu’on connaît et donc à sur-représenter son pays lorsque l’on investit en Bourse. Certaines études ont même montré qu’aux Etats-Unis, les investisseurs de la côte ouest avaient tendance à investir dans des entreprises de la côte ouest, et vice versa de l’autre côté du pays.
Dans sa thèse, Hava Orkut montre que même les investisseurs les plus sophistiqués sont soumis à ce biais. Et ce en particulier s’ils sont nés en France ou s’ils sont entrepreneurs. Les investisseurs nés à l’étranger ou salariés y sont quant à eux moins sensibles. Elle montre aussi que si l’intensité du biais national diminue avec l’âge, elle augmente avec la valeur du portefeuille.
De nombreux
investisseurs se croient meilleurs qu’ils ne le sont en réalité
Ne pas assez diversifier, une tendance répandue
Il s’agit cette fois d’un biais cognitif auquel sont moins sensibles les investisseurs dits sophistiqués que les débutants. Le biais de diversification insuffisante illustre la tendance des investisseurs à détenir trop peu d’actifs, ce qui entraîne une mauvaise diversification et donc un risque plus grand. Dans une étude de 2008 de Goetzmann et Kumar, on apprend ainsi que moins de 5 % des investisseurs individuels américains détiennent plus de dix actions différentes dans leur portefeuille.
Ce biais de diversification insuffisante est particulièrement présent chez les jeunes, les personnes avec des revenus faibles ou disposant de peu de connaissances financières. La plupart des cas de sous-diversification est préjudiciable financièrement aux investisseurs.
La confiance en soi, oui, l’excès de confiance, non !
Ce biais de diversification insuffisante est aussi corrélé à un autre piège cognitif : le biais d’excès de confiance. En psychologie, il désigne un biais selon lequel la confiance d’une personne dans ses propres jugements est bien supérieure à la précision objective de ces jugements. Pour résumer, beaucoup d’investisseurs se croient meilleurs qu’ils ne le sont en réalité. C’est d’ailleurs ce qui a poussé quelques traders bien connus à continuer à creuser leurs pertes malgré une situation objectivement impossible à rattraper.
En finance, ce biais d’excès de confiance se traduit souvent par des investisseurs qui surestiment la qualité des informations dont ils disposent pour investir. Ils surestiment également leur capacité à interpréter ces informations, ce qui leur donne une fausse impression de contrôle.
Les femmes n’investissent pas moins que les hommes
Pour finir, les résultats d’Hava Orkut montrent que les femmes ne sont pas moins enclines à investir que les hommes. Les principaux facteurs qui poussent un individu à investir en Bourse sont d’abord un niveau de tolérance au risque plus élevé, facteur qui augmente la probabilité pour une personne d’investir en actions de 18 %. La détention d’autres produits financiers, comme l’assurance-vie en unités de compte ou le plan d’épargne retraite augmente elle aussi la probabilité d’investir en actions, respectivement de 11,95 % et 8,11 %. Le fait d’être un homme n’augmente que de 1,2 % cette probabilité.
Comment combattre ces biais cognitifs en tant qu’investisseur ?
La meilleure façon pour éviter ces biais est d’établir une stratégie en amont de l’action d’investissement… Et de se tenir à cette stratégie. Bien sûr, des objectifs en ligne avec ses traits de personnalité et ses objectifs propres aident à respecter le plan établi. Personnellement, j’ai choisi de n’investir qu’à long terme. D’abord parce que cela enlève une grosse part de stress au quotidien, ensuite parce que mes objectifs financiers sont lointains.
Il est impossible de battre le marché, mais il est possible de l’utiliser pour atteindre certains objectifs raisonnables. La persévérance et la régularité sont probablement les meilleurs alliés des investisseurs. Et les meilleures barrages possibles contre des biais cognitifs qui n’apportent souvent que de mauvaises nouvelles financières.