Le LDDS finance-t-il le développement durable et les projets solidaires ? A partir du 1er octobre, les intérêts du livret pourront être partagés avec des associations ou organismes solidaires. Mais l’épargne placée sur le LDDS ne finance pas encore l’économie solidaire. 

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Le livret de développement durable et solidaire, appelé LDD ou LDDS, est un livret d’épargne qui a pour objectif de financer des projets responsables et solidaires. 

Toutefois, ni la Caisse des dépôts, qui centralise la majorité de cette épargne, ni les banques qui en conservent une partie dans leurs coffres ne peuvent affirmer qu’elles contribuent vraiment à financer des projets durables. 

Des intérêts solidaires

Mais avant de nous plonger dans l’utilisation faite de l’épargne par la Caisse des dépôts et les banques, commençons par les bonnes nouvelles. Le “S” du LDDS va bientôt pouvoir justifier sa présence. Ce volet solidaire qui a fait son entrée avec la loi Sapin en 2016 entre en vigueur le 1er octobre 2020. La mesure, qui devait entrer en vigueur le 1er juin, a été reportée à la demande de la Fédération bancaire française en raison de l’épidémie du Covid-19. La liste des bénéficiaires potentiels de dons sera quand même mise en ligne par le Conseil national des chambres régionales de l’ESS le 1er juin, jour de solidarité.

A cette date, les banques devront proposer chaque année à leurs clients détenteurs d’un LDDS de transférer des dons vers une ou plusieurs associations. Les structures éligibles sont les entreprises de l’économie sociale et solidaire, les associations, les fondations, les mutuelles et les organismes de financement solidaire. Chaque banque devra proposer une liste d’au moins dix bénéficiaires. Cette liste nationale sera publiée le 31 mai de chaque année sur le site du Conseil national des Chambres régionales de l’économie sociale (CNCRESS).

Le LDDS viendra donc rejoindre les autres initiatives permettant de flécher son épargne vers des projets solidaires. Ce sera également le cas bientôt des contrats d’assurance-vie : la loi Pacte les obligera à proposer au moins un fonds solidaire à partir de 2022.

Cela étant dit, plusieurs critiques ont déjà été formulées par Finansol, l’association qui promeut la finance solidaire, à l’égard de ce volet solidaire. D’abord parce que le décret d’application semble permettre à l’épargnant de choisir un seul bénéficiaire pour ses dons, alors que la loi prévoyait à l’origine qu’il puisse choisir plusieurs bénéficiaires. Ensuite parce que si le partage des intérêts est intéressant, le décret fait encore une fois l’impasse sur l’utilisation de l’épargne placée sur les LDDS. Or, selon Finansol, une application de la loi dès son entrée en vigueur en 2016 aurait permis de flécher 100 millions d’euros de financement vers l’économie solidaire1

Opacité des placements

Finansol n’est pas la seule à avoir pointé du doigt l’opacité des placements réalisés avec l’épargne du LDDS. Plusieurs associations ont dénoncé cette opacité2 , arguant notamment que des multinationales qui contribuent au dérèglement climatique, comme des grands noms français des énergies fossiles, feraient partie des investissements privilégiés par la Caisse des dépôts. Zéro Fossile3 , initiative internationale s’adressant aux investisseurs institutionnels du monde entier, a également interpellé la Caisse des dépôts, lui demandant de mieux flécher l’épargne des citoyens.

Pour rappel, la Caisse des dépôts est le principal établissement financier public. Elle héberge une partie des encours des livrets A et de développement durable et solidaire, mais aussi des fonds de retraite publics. Elle a plusieurs filiales importantes, comme la banque publique d’investissement, filiale à 50%, ou La Poste.

 

Le LDDS, un livret réglementé

Chaque Français peut détenir un livret développement durable et solidaire. Rémunéré à 0,5 %, il est plafonné à 12 000 euros.

Un rapport qui fait grand bruit

En décembre 2017, l’Observatoire des multinationales et 350.org publient un rapport. Dans celui-ci, les ONG ont analysé le portefeuille d’actions de la Caisse des dépôts, qui reste opaque. Résultat : le rapport révèle que la Caisse des dépôts investit dans des groupes miniers producteurs de charbon. Mais aussi dans des multinationales pétrolières, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de ses filiales.

A l’époque, ce rapport fait grand bruit. A tel point que le ministre de l’économie Bruno Le Maire s’engage à ce que « désormais, chaque euro placé dans un LDDS [soit] associé à un projet contribuant effectivement à la transition énergétique ».

Un projet de loi pour la transparence du LDDS

Un projet de loi pour la transparence sur l’utilisation de l’épargne populaire en matière énergétique voit le jour, porté par des députés communistes. Début mars 2019, il est adopté par l’Assemblée nationale. Mais les députés communistes qui l’avaient porté depuis le début s’abstiennent de voter. Le texte a été, selon eux, vidé de sa substance.

Les deux premiers articles proposés sont notamment supprimés. Le premier avait pour objectif d’éviter que les banques qui conservent une partie des collectes des livrets A et LDDS dans leur bilan puissent l’utiliser pour financer des activités nuisibles à l’environnement. Car oui, les banques conservent une partie de l’épargne collectée qui n’est pas centralisée à la Caisse des dépôts. Cette somme représente environ 150 milliards d’euros. L’article 2 proposait quant à lui un reporting public des investissements réalisés, pays par pays.

 

Des livrets qui pèsent lourd

L’épargne déposée sur les LDDS représente aujourd’hui 114,3 milliards d’euros d’encours, selon les derniers chiffres publiés en avril 2020. L’encours du livret A a quant à lui dépassé les 300 millions d’euros.

Que contient le texte finalement adopté ? Deux dispositions qui sont peu contraignantes. L’Observatoire de l’épargne réglementée se voit confier la mission de suivre les fonds collectés au titre des deux livrets en matière de transition énergétique. Par ailleurs, le texte prévoit que le directeur général de la Caisse des dépôts présente chaque année sa stratégie de désinvestissement des activités incompatibles avec l’Accord de Paris.

Dans son rapport annuel 2018, la Caisse des dépôts montre qu’elle a déjà fait des efforts. En 2016, elle investissait dans des entreprises dont le chiffre d’affaires issu du charbon thermique pouvait aller jusqu’à 25%. Ce seuil est passé à 10% en 2018. 

Le LDDS finance avant tout les PME

Ce que l’on sait et qui reste positif, c’est que, selon le rapport annuel de l’Observatoire de l’épargne réglementée4 , toutes les banques respectent le ratio réglementaire « d’emploi d’au moins 80% de ses ressources non centralisées pour des crédits octroyés aux PME ». Si les petites entreprises ont plus de chance d’être éthiques, on ne peut toutefois pas savoir si leur activité a quelque chose à voir avec la transition écologique.

Autre information : 10% des fonds déposés dans des LDDS et qui restent dans les banques vont à des prêts pour financer des travaux d’économie d’énergie. Les 10% restant ne sont quant à eux soumis à aucune obligation. 

 

Cet article a été publié pour la première fois le 10 décembre 2019 et mis à jour le 12 mai 2020, puis le 28 mai 2020.