Doit-on renoncer au rendement en investissant dans des placements responsables ? La question taraude les investisseurs et pourtant, l’analyse des performances des entreprises et des indices boursiers les plus éthiques sur les dernières années montre que non seulement leurs rendements sont intéressants, mais aussi qu’ils sont en moyenne plus élevés que ceux de leurs homologues non éthiques.

Cet article est un article invité du blog apprendre-a-investir.net.

On a souvent tendance à penser que l’investissement éthique pourrait nuire à la performance. Qu’une meilleure prise en compte des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance s’effectuait forcément au détriment du rendement.

D’où vient cette croyance que ce qui est plus éthique serait moins performant ? Il est vrai qu’on retrouve au quotidien plusieurs exemples qui peuvent construire cette croyance :

  • Les voitures à essence/diesel sont moins chères que les voitures électriques.
  • Produire de l’électricité à partir du gaz coûte toujours moins cher qu’avec les énergies éolienne ou photovoltaïque.
  • Les produits issus de l’agriculture biologique sont plus chers que leurs équivalents issus de l’agriculture conventionnelle.

On s’attend donc logiquement à ce que dans l’investissement, des normes sociales ou environnementales contraignantes produisent un surcoût pour les entreprises, à l’origine d’une moindre performance financière. Mais l’investissement éthique est-il vraiment moins performant que l’investissement classique ?

Pour répondre à la question, nous pouvons observer à la fois le comportement des actions d’entreprises éthiques, ainsi que celui des indices ISR (investissement socialement responsable).

La performance des entreprises éthiques

Commençons avec les sociétés du CAC 40, le principal indice boursier Français. Le comparateur d’actions du CAC 40 d’Investir éthique classe les actions des principales sociétés françaises selon trois critères éthiques : environnement, social, gouvernance.

Les actions françaises considérées comme les plus éthiques ont un citron complet, et les moins éthiques un citron plus ou moins incomplet.

Ce classement reste néanmoins subjectif, même s’il s’appuie sur des éléments concrets et vérifiables.

Maintenant, calculons la performance moyenne des actions selon leur note éthique, sur les cinq dernières années. Pour cela, nous pouvons classer les actions du CAC 40 en trois groupes :

 

  • celles qui ont une note éthique faible (de 1/7 à 2/7 citron)
  • celles qui ont une note éthique moyenne (de 3/7 à 5/7 citron)
  • celles qui ont une note éthique élevée (de 6/7 à 7/7 citron).

Une tendance assez nette semble se dégager : les entreprises les mieux classées d’un point de vue éthique sont les plus performantes. Et les moins éthiques sont nettement en retrait en termes de rendement. 

Ainsi, sur les cinq dernières années :

  • les entreprises considérées comme les moins éthiques ont obtenu une performance négative de -13,84%
  • les entreprises avec une note éthique moyenne ont obtenu un rendement de +64,82%
  • les entreprises ayant une note éthique élevée ont obtenu un rendement de +105,54%, soit un rendement annualisé de +15,5% par an.

Dans le même temps, le CAC 40 a progressé de 34,94% en cinq ans. Seules les entreprises ayant une éthique moyenne ou élevée ont fait mieux que le CAC 40, tandis que les moins éthiques ont été battues par l’indice français. Il semble donc probable qu’il y ait une corrélation positive entre le respect des critères éthiques et la performance financière.

Ceci étant dit, pourquoi ne pas remonter au-delà des cinq dernières années ? Cela permettrait d’avoir encore plus de recul. Les pratiques des entreprises évoluent, et le classement éthique aurait pu être relativement différent, quelques années en arrière. De plus, la composition du CAC 40 évolue également, et il faudrait aussi prendre en compte la rotation des entreprises dans l’indice.

Plus on remonte dans le temps, moins l’évaluation de la performance des entreprises selon des critères éthique est pertinente. Une période de cinq ans semble donc appropriée, d’autant que les avancées d’une entreprise résultent souvent de décisions et d’orientations prises sur les trois ou cinq dernières années.

La performance des indices éthiques

Maintenant, observons la performance des indices boursiers éthiques, en les comparants à leurs équivalents classiques. Le développement de la finance responsable a fait émerger de nombreux indices éthiques, plus ou moins sélectifs dans leur choix d’intégrer ou non certaines entreprises. Il est possible d’investir dans ces indices via les nombreux ETF disponibles sur le marché.

Il existe deux types d’indices éthiques :

  • les indices thématiques, qui se concentrent uniquement sur des secteurs « verts », liés aux énergies renouvelables par exemple.
  • les indices globaux, qui incluent tous les secteurs (comme les indices classiques), mais qui opèrent une sélection à l’intérieur de chaque secteur, pour exclure les entreprises qui répondent le moins aux critères éthiques.

Il est relativement difficile d’évaluer la performance des indices thématiques, car ils contiennent souvent un nombre restreint d’entreprises. De plus, dans l’économie, chaque secteur évolue selon un cycle qui lui est propre. Il est donc difficile de trouver un point de comparaison pour les indices thématiques éthiques.

En revanche, les indices éthiques globaux ont tous un équivalent classique, dont ils sont dérivés. Par exemple, l’indice MSCI Europe SRI (Social Responsible Index) est dérivé de l’indice MSCI Europe, à partir duquel il a exclu les entreprises les moins éthiques. Il peut donc être pertinent de comparer le premier indice avec le second.

La sélection d’actions des indices SRI est plutôt sévère, puisqu’ils excluent souvent 75% à 80% des entreprises des indices classiques. Par exemple, le MSCI World inclut 1 585 entreprises, contre seulement 358 pour le MSCI World SRI (l’indice éthique). On peut donc estimer que les indices SRI représentent suffisamment bien les critères éthiques, et donc la performance financière des entreprises les plus éthiques.

Source données : www.msci.com

Comme il existe aujourd’hui de nombreux indices éthiques, il est possible de comparer leur performance dans les principales zones géographiques/économiques :

  • l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada)
  • l’Europe (Union européenne, Suisse, Royaume-Uni et Norvège)
  • le Japon
  • les pays émergents (Chine, Corée du Sud, Taïwan, Brésil, Inde, Russie, Afrique du Sud…)

On remarque que quelle que soit la zone géographique considérée, les indices SRI ont toujours eu un rendement supérieur à leur équivalent classique (qui sert de benchmark).

Cependant, c’est dans les pays émergents (juste devant l’Europe) que la différence de performance est la plus marquée. Sur les dix dernières années, les actions des pays émergents les mieux notées sur les trois critères éthiques (environnement, social, gouvernance) ont eu une performance de 34,5% supérieure à la moyenne des actions émergentes.

Cela représente un rendement annuel de +7,16% pour le MSCI Emerging Markets SRI, contre seulement +3,90% pour le MSCI Emerging Markets.

L’étude des indices éthiques dans plusieurs zones géographiques semble donc confirmer ce qu’on a pu observer avec les actions du CAC 40 : jusqu’à présent, l’investissement éthique a permis d’obtenir un rendement supérieur à l’investissement classique.

Graphiques : www.msci.com

La performance future de l’investissement éthique

Si les actions et indices éthiques semblent avoir obtenu une performance au-dessus de la moyenne sur les cinq à quinze dernières années, cette tendance va-t-elle se poursuivre ? En Bourse, personne n’a de boule de cristal, et il n’est donc pas possible d’anticiper l’avenir.

Néanmoins, si l’attrait des investisseurs pour les supports d’investissement éthiques continue de se développer et de se renforcer, on peut imaginer que le flux de capitaux envoyés vers les supports éthiques continuera d’augmenter rapidement.

Entre 2019 et 2020, les actifs détenus dans des ETF responsables en Europe ont été multipliés par deux, selon Morningstar. La croissance des actifs responsables ressemble à l’heure actuelle à une courbe exponentielle. En conséquence, il n’est pas illogique de penser que l’investissement éthique continuera, à court terme ou à moyen terme (même si les prévisions sont toujours fragiles), d’avoir une performance égale, voire supérieure, à celle du marché. L’intérêt croissant des investisseurs pour l’investissement éthique lui donne encore un grand potentiel de développement.

Par ailleurs, on peut observer que le ratio P/E (Price/Earnings – Cours/Bénéfices) des actions éthiques, au sein de l’indice ACWI SRI (All Country World Index – l’indice mondial le plus large, qui regroupe les pays émergents et les pays développés), est presque identique au ratio P/E de l’indice ACWI classique.

Cela signifie qu’au niveau mondial, les actions éthiques ne sont pas plus chères, à bénéfice égal, que la moyenne des actions du marché. Les actions éthiques ne sont donc à l’heure actuelle pas trop fortement valorisées par rapport à la moyenne : leur potentiel de croissance est toujours bien présent.

 



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