Dans un monde où sont proposées de plus en plus d’offres durables, il peut être compliqué d’échapper au greenwashing. Heureusement, de nouvelles règles vont interdire la publicité sur les critères durables par les fonds qui ne le sont pas.
Parmi les sujets qui travaillent le plus les épargnants qui veulent investir responsable, on retrouve cette question essentielle : comment reconnaître les produits financiers vraiment éthiques des autres ?
Passé inaperçu en pleine crise du coronavirus, un texte publié par l’Autorité des marchés financiers le 11 mars dernier devrait avoir un certain impact.
Pour rappel, l’AMF, qui est le régulateur français, a pour mission de surveiller les marchés et de s’assurer du respect des lois et de la protection de l’épargnant. Ils se sont bien sûr intéressés à la mutliplication des offres de produits responsables, qui concerne aujourd’hui l’ensemble du marché, tous les acteurs ayant voulu “surfer” sur la vague durable.
Interdiction de la fausse publicité durable
Le 11 mars dernier donc, l’AMF a publié une doctrine qui a pour objectif de lutter contre le greenwashing. Cette doctrine oblige tous les nouveaux fonds, ainsi que tous les fonds déjà sur le marché à partir du 1er décembre prochain, à appliquer plusieurs principes stricts s’ils souhaitent pouvoir être considérés comme durables. Et avoir le droit de communiquer de manière centrale sur leur caractère responsable.
Le premier et le grand principe de cette doctrine est que la prise en compte des critères extra-financiers soit mesurable. L’information communiquée doit être “claire, exacte et non trompeuse”. Les fonds ont donc désormais l’interdiction de faire de ces critères extra-financiers un élément central de leur communication quand ce n’est pas un élément central de leur gestion.
Une information claire, exacte et non trompeuse
Ceux qui pourront en faire un élément central de communication, comme défini par l’AMF, sont ceux qui :
- analysent au moins 90% des entreprises présentes dans le fonds selon des critères extra-financiers.
- ont une approche fondée sur un engagement qui se décline en objectifs mesurables.
- fondent leur stratégie sur un engagement significatif. Ce dernier doit être au minimum d’exclure 20% des mauvais élèves, pour les stratégies best-in-class et best-in-universe, ou d’améliorer la note d’au moins 20% par rapport à l’indice de référence. Ce sont déjà les critères du label ISR.
Les stratégies best-in-class sont les plus utilisées par les sociétés de gestion françaises. Elles consistent à prendre un univers d’investissement, à noter l’ensemble des entreprises et à retirer du fonds celles qui ont les plus mauvaises performances. La principale différence avec les stratégies best-in-universe est sectorielle : les stratégies best-in-class n’excluent pas de secteurs mais gardent l’allocation initiale de leur indice de référence. Les stratégies best-in-universe en revanche gardent les bons élèves quels que soient leurs secteurs, ce qui en général les amène à écarter totalement les industries polluantes.
Nouvelles règles sur la dénomination ISR
La dénomination investissement socialement responsable (ISR) est également mieux encadrée. Pour les fonds qui mentionnent l’ISR dans leur communication, chacun des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) doivent être pris en compte et détaillés.
Les fonds qui mentionnent l’ISR sans avoir le label doivent quant à eux indiquer clairement dans leur documentation qu’ils ne sont pas labellisés.
Parmi les exemples cités par l’AMF, on retrouve, pour les fonds qui peuvent communiquer de façon centrale sur le durable :
- les fonds d’obligations vertes, avec un minimum de 75 % des obligations présentes dans le fonds qui doivent respecter le référentiel du label Greenfin
- les fonds low carbon qui font état d’objectfs chiffrés, avec une empreinte carbone de leur portefeuille qui doit être au moins 20% inférieure à celle de leur indice de référence
Parmi les fonds qui au contraire ne pourront plus faire du durable un élément central de leur communication, on retrouve :
- les fonds qui excluent des secteurs controversés (tabac, armement, pornographie), s’ils ne pratiquent aucune autre forme d’engagement
- les fonds qui excluent les Etats non coopératifs fiscalement, s’ils ne pratiquent aucune autre forme d’engagement
- les fonds qui excluent les sociétés ayant fait l’objet de sanctions internationales ou ne respectant pas les règlementations internationales en termes d’organisation du travail, s’ils ne pratiquent aucune autre forme d’engagement
- les fonds qui mentionnent simplement une note moyenne ESG supérieure à celle de leur univers d’investissement, s’ils ne pratiquent aucune autre forme d’engagement.
→ Consulter la doctrine de l’AMF sur le greenwashing
Les meilleurs et les pires acteurs du marché
Toujours sur le greenwashing, une étude très intéressante a été publiée en mars 2020 par l’ONG Share Action. Cette étude a évalué la prise en compte des critères ESG par les 75 plus grosses sociétés de gestion au niveau mondial.
Les six plus gros gestionnaires d'actifs ont tous des notes comprises entre D et E, soit les pires notes données par ShareAction
Résultat : ce n’est pas très positif. De manière générale, les résultats sont mauvais. Mais il est important de noter que seulement les plus gros acteurs ont été analysés.
Parmi les six plus gros gestionnaires d’actifs du monde, à savoir Blackrock, State Street, Capital Group, Vanguard, Fidelity et JP Morgan, les trois premiers ont eu la note D et les trois suivants la note E, qui est la plus mauvaise.
Aucun français n’a obtenu la note E. Parmi les sociétés de gestion françaises présentes dans le classement, on retrouve, du moins bon au meilleur, Lyxor, filiale de la Société générale, qui a obtenu la note D ; Ostrum Asset Management, filiale de BPCE notée C ; Amundi (filiale du Crédit agricole, Axa IM et La Banque Postale AM ont obtenu la note B ; BNP Paribas Asset Management est la seule française à avoir obtenu la note A. Au total, seulement cinq sociétés ont été notés A, parmi lesquels Aviva, qui est un groupe britannique, et Robeco, qui est néerlandais.
→ Consulter l’étude de ShareAction (en anglais)
Quelques conseils pour reconnaître les démarches sincères
Pour finir, voici quelques conseils, tirés principalement des entretiens que j’ai pu mener, notamment avec des conseillers en gestion de patrimoine qui essaient eux aussi d’identifier les fonds responsables. Ce que j’ai retenu de ces échanges, c’est que trois principaux critères ont leur importance :
- l’actionnariat des sociétés de gestion. Les sociétés plus petites, indépendantes auront tendance à avoir les coudées plus franches pour avoir des approches inventives et responsables.
- la démarche globale : est-ce que c’est anecdotique ou est-ce que la démarche responsable concerne l’ensemble des fonds ou une majorité des fonds proposés ? Quand on regarde les portefeuilles de maisons comme Ecofi, Sycomore Asset Management, La Financière Responsable ou Mirova (qui ne sont d’ailleurs pas tous indépendants !), on voit quil y a une cohérence entre tous les fonds.
- l’engagement des dirigeants, plus difficile à cerner quand on n’est pas connecté avec l’écosystème financier. Comme pour n’importe quel changement dans une entreprise, si la direction ne se saisit pas du sujet, peu d’actions vont pouvoir être menées in fine.
De manière générale, le greenwashing va être rendu de plus en plus difficile. A l’échelle européenne, la Commission travaille depuis plusieurs mois déjà sur un référentiel qui permettra de mieux identifier les produits financiers qui participent vraiment à la transition énergétique. C’est la fameuse taxonomie européenne, qui permettra certainement d’aller encore plus loin dans l’encadrement des produits financiers durables et la bonne information des épargnants.
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